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AquaVia franchit une nouvelle étape

Capacité d’eau potable doublée pour Estavayer et sa région, artère énergétique pour chauffer et climatiser des quartiers de la ville et réseau intercantonal d’irrigation des cultures broyardes: le pharaonique projet d’utilisation de l’eau du lac de Neuchâtel va bon train.

Le projet prévoit de pomper l’eau du lac à 1,7 kilomètre de la rive, à 40 m de profondeur, une station de traitement de l’eau sur l’emplacement actuel des terrains de football et des conduites amenant l’or bleu jusqu’à un réservoir projeté près de Châbles et au réseau d’irrigation. Avec, au passage, trois stations de production de chaud ou de froid (pompes à chaleur) installées en ville sur le plateau de la gare, à Fontany et à Plein-Sud.dr

Isabelle  Kottelat

Isabelle Kottelat

24 novembre 2022 à 01:00

«On a une énergie qui nous tend les bras, on va l’utiliser!» AquaVia, le projet trois en un d’exploitation de l’eau du lac de Neuchâtel a pris un tournant décisif. Les trois partenaires, la commune d’Estavayer, l’association intercommunale d’agriculteurs broyards ArroBroye et Groupe E, ont annoncé jeudi 17 novembre que la faisabilité et l’intérêt d’AquaVia étaient confirmés. Le gigantesque projet entre désormais dans sa phase d’étude en vue d’une mise à l’enquête en 2025 et d’un démarrage des travaux en 2026. Les trois partenaires doivent à présent signer des conventions tripartites pour définir les engagements financiers et les responsabilités de chacun.

Lancé en 2020, AquaVia vise trois objectifs: Estavayer développe un projet de nouvelle station de traitement qui doit assurer la sécurité d’approvisionnement en eau potable de la commune en doublant sa capacité actuelle. Le projet ArroBroye souhaite réaliser un réseau d’irrigation agricole dans la Broye vaudoise et fribourgeoise pour mettre un terme au pompage dans les cours d’eau de la région tout en maintenant une production agricole à long terme. Quant à Groupe E, il veut construire une artère énergétique fournissant à distance de la chaleur et du froid pour des quartiers résidentiels et industriels en ville d’Estavayer-le-Lac.

De l’eau potable pour Estavayer et sa région

«Nous sommes limites au niveau de l’eau potable que nous produisons pour toute la région. Cette nouvelle usine de traitement est indéboulonnable, on va la construire. Actuellement, nous produisons 600 m3 à l’heure. A terme, le besoin total sera de 1200 m3 à l’heure», a expliqué le syndic d’Estavayer Eric Chassot.

Reliée à une prise d’eau dans le lac, à environ 1,7 kilomètre de la rive et à 40 m de profondeur, la nouvelle station devrait être construite sur l’emplacement actuel des terrains de football. «C’est l’option retenue qui paraît la plus raisonnable. On a pris le parti que la Confédération allait prochainement nous donner l’autorisation de construire de nouveaux terrains en haut de la ville, dans le futur secteur sportif de la Maladeire. Si la réponse fédérale devait être négative, il faudrait trouver une autre solution pour les terrains», a-t-il précisé.

Initialement, la construction de la nouvelle usine était imaginée davantage en direction de Font. «Mais ainsi, on n’abîme pas la Grande Cariçaie. On devra toutefois traverser par des moyens techniques la falaise de molasse avec 20 m de dénivelé, soit par forage soit avec tunnelier et on arrivera sur le plateau de la gare», a-t-il encore relevé.

Une partie de l’eau sera traitée en eau potable et acheminée vers un réservoir de 2500 m3. Il est projeté proche de Châbles sur une parcelle de forêt dont les transactions vont bon train pour qu’elle devienne communale. La commune d’Estavayer va prendre en charge toute cette installation jusqu’à la distribution de l’eau. Un crédit d’étude sera soumis au Conseil général courant 2023. Les investissements prévus pour les ouvrages communaux sont de l’ordre de 45 millions. La commune va, ces prochains mois, procéder à des appels d’offres d’ingénierie pour les infrastructures d’eau potable et de livraison d’eau brute aux différents partenaires.

Un réseau urbain de chauffage et de froid à distance

De son côté, Groupe E aura besoin de 2500 m3/heure d’eau du lac pour alimenter en chaud et froid, à distance, les futurs quartiers de Gare-Casino et du plateau de la gare, ainsi que la zone industrielle Plein-Sud en friche actuellement. La zone résidentielle de la route d’Yverdon ainsi que les secteurs Bel-Air, Fontany, Pré-aux-Fleurs, la zone d’activités Le Piolet et la route de la Scie seront alimentés en chaleur uniquement. «On ne consomme pas l’eau mais l’énergie de l’eau», a souligné Christian Vetterli, chef du développement et des projets chez Groupe E. «L’eau pour la partie thermique peut ensuite être utilisée pour l’arrosage, l’irrigation des champs. C’est une belle synergie.»

Avec trois centrales de production équipées de pompes à chaleur, l’une sur le plateau de la gare, la deuxième du côté de Fontany et la troisième à Plein-Sud, l’installation pourra fournir un total de 35,8 GWh, dont 26,8 de chaleur et 9 GWh de froid. Le potentiel thermique du lac de Neuchâtel étant de 13 000 GWh par an, «on ne va pas beaucoup le refroidir», a assuré Christian Vetterli.

Dès 2023, Groupe E va lancer la commercialisation des raccordements de chauffage à distance sur les zones concernées. Les retours des clients seront prépondérants pour la suite du projet.

Le coût des nouvelles infrastructures énergétiques de Groupe E est estimé à 50 millions de francs.

A terme, Groupe E imagine relier ce nouveau dispositif au réseau actuel de chauffage à distance Estacad qui alimente aujourd’hui une cinquantaine de bâtiments situés entre la Croix-de-Pierre et le Sacré-Cœur. La principale chaudière est alimentée au bois vert de la région.

Même le réseau de chauffage et de climatisation du site staviacois de l’Hôpital intercantonal de la Broye et de l’EMS, mis en fonction en juin 2021, qui tire aussi son énergie du lac (1,7 GWh par an) devrait être, à terme, basculé sur le projet AquaVia. Et ce d’autant plus que les infrastructures actuelles se trouvent confrontées à une difficulté majeure, annonciatrice de fin de vie pour les installations: la petite moule quagga qui bouche les conduites existantes. «Les nouvelles conduites pourront, elles, être nettoyées», assure Eric Chassot.

Arroser les cultures de Granges-Marnand à Corcelles

ArroBroye (qui regroupe historiquement deux réseaux, Chevroux-Payerne et Estavayer-Lucens) permettrait de fournir de l’eau à plus de 180 agriculteurs d’Estavayer à Cugy, de Granges-Marnand à Grandcour en passant par Payerne et Corcelles, le but étant d’irriguer environ 4200 hectares de terres assolées. Son besoin en eau brute à terme sera de 1850 m3/h (besoin de pointe saisonnier). L’ambitieux projet qui se déroule sur deux cantons fait l’objet d’une étude en améliorations foncières. Pour les agriculteurs, le coût du réseau d’irrigation avoisinera les 65 millions, 16 000 francs l’hectare.

En attendant Elsa…

Et Elsa-Mifroma dans tout ça? L’usine transformatrice de lait du groupe Migros installée à Estavayer-le-Lac faisait initialement partie de l’aventure. En juin 2021 toutefois, elle s’était retirée du projet, préférant une variante à l’interne. Le projet AquaVia tel que présenté la semaine dernière se développe sans la récupération de la chaleur résiduelle du site industriel d’Elsa. «Mais la possibilité ultérieure de récupérer cette chaleur reste réservée», a communiqué le syndic Eric Chassot devant les élus du Conseil général jeudi soir dernier.

Est-ce à dire qu’un revirement est imaginable? «Le projet démarre sans eux, mais on a renoué le contact et bon espoir qu’à terme Elsa soit de nouveau greffée sur le projet», répond le syndic. Du côté de l’entreprise Elsa-Mifroma, c’est, pour l’heure, no comment, répond son service de presse.

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