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Broyards, rois de la brique rouge

La Broye fut longtemps une terre d’argile. De nombreuses carrières ont donné la matière première aux tuilières ou tuileries et briqueteries. Nous vous racontons ici l’histoire des diverses usines entre Payerne, Fétigny et Corcelles-près-Payerne.

Construction d’une cheminée à la Briqueterie mécanique de Fétigny-Payerne avant 1897. La glaise, de qualité supérieure, se trouve en abondance dans le voisinage. On y fabrique des tuiles, briques pleines ou percées, ou des tuyaux. Une des spécialités, c’est la fabrication de briques pour les cheminées d’usine. La briqueterie occupait jusqu’à 80 ouvriers, elle fut détruite par un incendie en 1968.Photo collection stégigraphic payerne

Rémy  Gilliand

Rémy Gilliand

20 janvier 2022 à 01:00

L’une des plus anciennes industries de la région payernoise était une usine de tuiles. Les moines du couvent avaient fait construire une tuilière au Moyen Age. En 1518, Claude Marchand, prieur de Rougemont et Payerne, et le vicaire Jean de Foresta, au nom du couvent, cédaient à la ville de Payerne, «la tuilière, four, cheseaux (jardins) et toutes les dépendances, situés hors de la ville, au lieu-dit en Glatigny, avec faculté de prendre les terres aux poses dites du Seigneur». C’est l’éminant historien payernois Albert Burmeister qui nous le rappelle dans sa «bible» 150 ans de vie payernoise 1803-1953. Devenue propriété communale, la tuilière était louée pour six ans à un tuilier qui devait en outre fournir à la ville les tuiles dont elle avait besoin. Il pouvait en vendre aux bourgeois, mais pas aux étrangers, sauf autorisation. En 1790, la tuilière fut amodiée à Jacob Zbinden. Dès lors, l’usine fut sans interruption exploitée de père en fils par la famille Zbinden.

Les Zbinden et leurs produits réputés

En 1817 les conditions étaient la fourniture de 2500 tuiles à la ville et une redevance de 55 francs par cuite de 28 milliers de tuiles. Le prix de vente aux bourgeois était fixé à 20 francs le mille. La famille Zbinden acquit la bourgeoisie de Payerne en 1832 et, en 1877, la commune lui vendit la tuilière pour le prix de 6000 francs. Mais celle-ci étant insuffisante, une nouvelle usine fut construite dans le secteur de la Boverie. Ses derniers propriétaires furent les frères Frédéric et Ernest Zbinden, qui lancèrent sur le marché des produits réputés. La mort prématurée d’Ernest, la crise, la concurrence d’usines plus modernes et l’arrivée des briques en ciment eurent pour conséquences la fin de son exploitation. En 1944, les deux grandes cheminées de l’usine de la Boverie s’écroulèrent sous les charges d’explosifs d’une section de sapeurs du génie. Sur l’emplacement de la Briqueterie Zbinden s’est créé un quartier d’immeubles locatifs.

En parallèle à l’aventure de la famille Zbinden, la Briqueterie mécanique SA fut fondée en 1898, à la limite des territoires de Payerne et Fétigny. Sous la direction d’Henri Husson, puis de Ferdinand Cornaz, elle suivit un rapide développement.

A Corcelles-près-Payerne, il existe en 1864 une petite tuilerie. En 1889, Léonard Morandi, venu de Curio au Tessin, achète la petite usine corçalline qui va connaître alors un essor fulgurant.

De la glaise payernoise

Albert Burmeister n’y va pas par quatre chemins en considérant que la Tuilerie Morandi, bien que située sur le territoire corçallin, «peut être considérée comme une industrie payernoise. Elle prend une partie de sa matière première à Payerne», explique-t-il. Il est vrai que de grandes glaisières (argile) étaient situées aux abords des quartiers de Vuary et de la Palaz. Les Payernois se souviennent bien des creux du secteur de la Palaz actuelle. Ils furent remblayés avec tout ce que l’on pouvait y fourrer, avant l’ère du tri. Les déchetteries n’existaient pas. Le dernier dépotoir en fonction au milieu des années 80 était le Creux des Pacottes, lieu actuellement convoité pour y implanter une zone sportive…

L’épopée des Morandi

Revenons à notre usine Morandi. En 1896, les Morandi installent les premières machines pour la fabrication mécanique. De fil en aiguille, elle est devenue une des plus importantes briqueteries du pays. On venait de loin pour admirer ses installations, considérées comme les plus modernes du pays. L’usine a occupé jusqu’à 300 ouvriers.

Les Morandi rachètent la briqueterie de Payerne-Fétigny en 1934, celle de Peyres-Possens en 1944, reprennent Bussigny et Bardonnex en 1953 avec Gétaz Romang Ecoffey SA, plus tard Chavornay et Yvonand.

Morandi fait aujourd’hui partie de la Ziegelei Rapperswil tout autant que Tuileries & Briqueteries Bardonnex SA, Samof France, Ziegelei Schüpfen AG et Panotron AG. Ensemble, ces sociétés forment depuis 2010 le groupe d’entreprises Gasser Ceramic qui compte environ 220 collaborateurs. «Nous avons arrêté la production à Bardonnex à la fin de l’année 2020 et transféré la fabrication des produits à Rapperswil (BE) et Corcelles. La société Tuileries et Briqueteries Bardonnex SA existe toujours à Genève et fait office de société de vente et de distribution», explique le directeur Rudolf Gasser. L’usine de Corcelles-près-Payerne emploie une centaine de personnes.

Il va de soi que d’autres tuilières ou tuileries «artisanales» ont existé dans la Broye, afin de couvrir les innombrables toitures, en témoigne l’abondance de lieux-dits. Mais à Payerne et Corcelles, cette industrie était bien plus conséquente.

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