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Chaque année, les habitants misent les travaux d’entretien du village

La petite commune met chaque année à l’enchère inversée (attribué au moins offrant) des tâches qui incomberaient à un employé communal si elle en avait un. Rencontre avec des habitants fidèles de ces travaux.

(à gauche) Le syndic Cédric Losey et une partie des pare-neige qu’il a la tâche de poser.Photos isabelle kottelat. (au centre) Vérène Gerbex et la petite chapelle dont elle s’occupe en plus du cimetière attenant. (à droite) Olivier Gerbex en charge du déneigement entre deux averses d’or blanc.

Isabelle  Kottelat

Isabelle Kottelat

19 janvier 2023 à 01:00

Sur la route qui traverse le village, la chapelle de Prévondavaux, avec son beau tapis rouge, est ouverte aux visiteurs chaque jour. Chaque matin, c’est Vérène Gerbex qui vient en ouvrir la porte et la refermer le soir. «J’habite juste en face, c’est pratique!» sourit-elle.

Depuis au moins 30 ans, c’est elle qui s’occupe de l’entretien de la chapelle et du cimetière attenant. Deux tâches qu’elle mise à la fin de chaque année lors de l’assemblée communale. «Je les ai reprises car il fallait quelqu’un après ma belle-mère, qui faisait ça depuis longtemps aussi.» Une coutume dans ce petit village de 101 habitants de mettre aux enchères les tâches qui incomberaient à un employé communal… s’il y en avait un! Et ces travaux sont attribués… au moins offrant.

«C’est comme dans les appels d’offres pour les entreprises ou les communes. C’est le meilleur marché qui l’emporte», explique Olivier Gerbex. Fils de Vérène, cet agriculteur a, quant à lui, misé et obtenu pour 2023 le déneigement des chemins et trottoirs, comme chaque année depuis quelque 20 ans. Une tâche que réalisait déjà son oncle avant lui.

L’entretien de la chapelle et du cimetière vaut 600 francs par an. Le déneigement un forfait de 200 francs auquel s’ajoute un montant pour chaque intervention. «L’an dernier, je n’ai rien eu à faire. Cette année, je suis déjà sorti deux fois», notait-il avant l’arrivée de la neige de cette semaine.

Des mises jadis mouvementées

«A l’époque, c’était plus virulent, les mises, raconte-t-il encore. Des gens misaient les uns sur ou plutôt les uns sous les autres. Pour faire baisser les prix. Pour embêter. Des règlements de comptes. Depuis quelques années, il n’y a plus de concurrence.»

De fait, à l’heure de la mise, les choses se passent quasi tacitement. Le syndic Cédric Losey, qui joue les commissaires-priseurs pour l’occasion, énonce les tâches de la chapelle et du cimetière, jette un coup d’œil à Vérène et lui demande si elle les reprend. Hochement de tête et c’est adjugé.

«Le cimetière me donne plus de travail que la chapelle depuis que les messes n’y sont célébrées que les mois qui contiennent cinq dimanches», lance-t-elle. Cela ne l’empêche pas de faire un tour à l’intérieur de l’édifice pour voir si tout est en ordre et s’occuper du nettoyage et de l’entretien. «J’aime bien mettre des fleurs, soit j’en achète soit je mets celles de mon jardin quand j’en ai.» A travers les tombes, c’est avec eau salée et vinaigre qu’elle passe pour supprimer les «herbes indésirables, depuis qu’on n’ose plus utiliser les produits chimiques».

Parmi les tâches misées dont se chargent quatre citoyens, on trouve aussi la conciergerie du bureau communal, tandis que le syndic met également la main à la pâte pour la pose des pare-neige. Et il joue les gardiens de cette coutume de Prévondavaux en tenant le carnet des mises. Un petit carnet qui date de 1941 et qui arrive à sa dernière page. Preuve tangible et administrative d’un système dont on ne trouve visiblement aucune autre trace officielle.

Au Service des communes fribourgeoises, on avoue d’ailleurs ne pas avoir connaissance d’un tel système, ni là-bas ni ailleurs dans le canton. «Il n’y a pas de règlement communal, c’est un système mis en place par la commune depuis en tout cas 1941. Heureusement qu’on trouve encore des personnes pour ces tâches», relève le syndic de Prévondavaux. Et si ce n’était plus le cas? «Il faudrait trouver!»

Des corvées en plus

Ces mises ne sont pas les seules tâches dont les habitants du petit village du bout de la Broye doivent s’acquitter. Avec Châtillon, c’est aussi la seule commune broyarde (et fribourgeoise avec Auboranges, dans la Glâne) à imposer encore les corvées.

«Il existe un règlement type pour les communes sur notre site mais qui n’est plus guère utilisé. Il vient de la loi sur les impôts communaux et permet aux communes d’exiger des corvées de leurs habitants sinon elles peuvent prélever une taxe, sur le même principe que la taxe non pompier», explique Stéphanie Jauquier du Service des communes fribourgeois.

Pour Prévondavaux, il s’agit là de 5 heures que chaque ménage doit à la collectivité chaque année. Sous peine de payer une taxe de 125 francs, correspondant à un tarif de 25 francs l’heure. Une activité aussi à vocation sociale, de rencontre, selon le syndic.

Nettoyage des locaux communaux, réfection des peintures, entretien des bâtiments, débroussaillage des talus: les corvées sont organisées sur inscription un samedi matin de printemps, chaque année. «Les agriculteurs qui utilisent davantage les chemins doivent une demi-heure par hectare en plus des 5 heures», précise Cédric Losey.

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