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Comme en 1773, le meurtrier Carran a été condamné à l’internement

Le jeune Sigismond Carran, qui avait tué d’un coup de fusil un voisin au XVIII

André Mayor, un juré, Jean-Pierre Lador, le juge, et Philippe Jaton, deuxième juré, à l’instant du délibéré. PHOTO LUG

Ludmila Glisovic

Ludmila Glisovic

3 octobre 2019 à 02:00

Le procès fictif de Sigismond Carran, jeudi dernier au Musée du Vieux-Moudon, a attiré la foule des grands jours.
«Nous n’avons jamais eu un public aussi nombreux à l’une de nos manifestations», notait, entre plaisir et stress, Monique Fontannaz, présidente de l’association du musée.
Basé sur un meurtre survenu à Moudon en 1773 à la rue St-Bernard et sur des éléments du procès de l’époque, celui de 2019 a mis en lumière les procédures de la fin du XVIIIe siècle. 

Les faits
Carran tue par arme à feu un voisin, Isaac François Nicati, tonnelier. Un meurtre sans mobile. Mais depuis une chute violente à l’âge de 8 ans, Sigismond a le cerveau «affecté et embarrassé», note-t-on à l’époque.
Lors du procès, des proches attestent de l’état «de mélancolie noire, de démence et de frénésie» du prévenu. Pour ces raisons, ce dernier avait été enfermé à l’hôpital de L’Isle à Berne un an avant son forfait. Il
s’en était échappé pour retourner dans sa famille qu’il menaçait.


L’histoire revisitée
Devant un public attentif au déroulé de cette histoire revisitée, le Jeune Barreau vaudois s’est appuyé sur quelques experts. Ainsi, le Dr René-Philippe Gaillet, l’expert médical de ce procès imaginaire, a souligné que
prendre en compte la mélancolie était déjà poser un diagnostic psychiatrique.
«En reprenant les éléments de l’époque, on découvre une certaine modernité dans la justice», a relevé le juge Jean-Pierre Lador, ancien président du tribunal d’arrondissement de La Côte.

Le procureur, joué par Me Théo Meylan et Me  Marine Botfield, interprétant l’avocate de la défense, ont erraillé avec jubilation, tout en s’arrogeant quelques libertés. Avec humour et un certain panache, ils ont défendu
leurs points de vue. 
Ainsi, Me  Meylan a fait le show. Mais, en décrivant un père de famille dont le «bonheur a pris fin sauvagement» et l’accusé comme «un homme infâme, sans scrupule et sans remords», il a fait vaciller la balance de la
justice.

Me Botfield, s’appuyant sur la santé mentale de son client, soulignait, pour sa part, qu’il n’y a qu’une personne manquant de discernement pour choisir une blonde pour sa défense. «Le brouillard n’est pas que dans la
Broye», a-t-elle lancé, mettant les rieurs de son côté.

Pour départager les duellistes, le jury, André Mayor et Philippe Jaton, a exposé ses convictions. «Il ne faut pas l’emmener à l’échafaud, mais protéger la société de cet homme», déclarait ainsi Philippe Jaton. «Je suis d’accord pour reconnaître sa déficience mentale, mais il y a risque de récidive, il ne faut pas le lâcher dans la nature», a exprimé André Mayor.

En 1773, comme lors de ce procès, Carran a ainsi été reconnu irresponsable de ses actes. En 2019, responsabilité induit l’acquittement. Cela implique que les frais de justice et d’indemnité sont à la charge du contribuable, a rappelé Jean-Pierre Lador, en ajoutant qu’il n’existe toujours pas d’établissement spécialisé dans l’accueil de ce type de malade.

l y a 246 ans, Sigismond avait été placé dans un établissement médical. «On avait reproché à sa mère d’avoir laissé un fusil à portée de main de son fils qu’elle savait violent. Dès lors, les frais d’hospitalisation avaient été mis à la charge de la famille», a expliqué en conclusion Monique Fontannaz.

Jeudi, le public s’est forgé sa conviction et a voté l’acquittement, à une courte majorité.
Cette soirée a été organisée dans le cadre de l’exposition «Au nom de la loi» qui est prolongée jusqu’au 30 novembre.

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