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L’art ancestral du tonnelier au musée

Voilà quinze ans que Roger et Pascal Matthey ont aménagé un Petit Musée du vin et de la tonnellerie dans leur ancienne cave. Un lieu où se perpétue le souvenir d’un artisanat disparu de nos campagnes, mais qui était courant à l’époque. Et pas que pour le vin!


Pierre  Köstinger

Pierre Köstinger

27 août 2020 à 02:00

Dans les sous-sols de sa demeure, Pascal Matthey conserve le fruit d’une longue tradition familiale. Des centaines d’objets sur le monde du vin et de la tonnellerie y sont exposés, dont les plus vieilles pièces remontent aux années 1880, du temps où l’arrière-arrière-grand-père de Pascal, Henri Matthey, crée une entreprise de tonnellerie à Vallamand-Dessus. «Presque tous les objets viennent de notre famille», explique Pascal, cinquième génération, qui a repris l’affaire familiale en 2016.

Formé comme caviste avec un brevet fédéral de caviste œnologue, Pascal se concentre sur la production viticole. La Cave du Tonnelier, par son nom, rappelle la tradition familiale. «Si l’on n’avait pas pris ce virage du vin à partir des années 1990, l’entreprise aurait disparu», considère Roger. Le boum des cuves en inox et en acier, à partir des années 1980, ainsi que la pression de l’industrie étrangère produisant des tonneaux plus rapidement et moins cher ont marqué le déclin de cet art dans le Vully.

En 2005, pour les 125 ans de la maison, Roger aménage une nouvelle cave et crée un petit musée dans les anciens locaux. La riche collection des Matthey se décline en deux parties: la tonnellerie et le monde du vin et de la vigne. La simple évocation des outils lève le voile sur tout un artisanat d’autrefois. Pour les vendanges, il y a par exemple le fouloir et la gerle, grand contenant en bois dans lequel tombait le raisin écrasé. «La gerle était un objet courant des Trois-Lacs», commente Roger. Un peu plus loin se trouve une drôle de machine qui permettait de compter les bouchons, car le grand-père de Roger, en marge de son activité de tonnelier, vendait du matériel utile à la vinification, dont des bouchons de liège.

Sans colle, ni clous, ni vis

Côté tonnellerie, on tombe sur l’erminette, servant à entailler le bois. Mais aussi le jabloir, pour creuser les rainures où l’on fixait le fond du tonneau. Ou le chasse-cercles, permettant d’ajuster les cercles de métal, et la curette pour faire des trous coniques dans les tonneaux. On n’oublie pas le joigneux, grand rabot incliné permettant de façonner les douves, soit les planches formant le tonneau.

La fabrication des fûts, qui se faisait sans colle, ni clous, ni vis, demandait une grande précision. «Le défi, c’était l’étanchéité», souligne Roger. Les tonneliers utilisaient un joint naturel, les feuilles de joncs que les Matthey ont longtemps ramassées sur les bords du lac de Morat. «On les plaçait entre les douves pour rendre les tonneaux étanches», raconte-t-il. Les ancêtres des Matthey, comme cela se faisait souvent, fabriquaient eux-mêmes leurs propres outils. On trouve par exemple des rabots gravés de leurs initiales.

Dans la région, on trouvait des tonneliers à Morat, Avenches ou Grandcour. Leur art n’était pas seulement recherché pour la production viticole. «Les tonneliers fabriquaient des contenants étanches de toute sorte», insiste Roger, qui se souvient avoir fabriqué, à la fin des années 1960 encore, une bossette à purin en tonnellerie! Le temps était pourtant aux changements, avec le démontage des grands tonneaux servant jusque-là au transport du vin sur les trains. Monter et démonter était une activité courante pour les tonneliers. «Cela ne prenait pas plus d’une journée», raconte Roger, désormais retraité. «Cela permettait d’installer de grandes pièces dans des caves où les accès étaient étroits.» Les tonneaux étaient le plus souvent conçus sur mesure, en fonction de la place dans la cave.

Morceau de mémoire du Vully

Roger est né en 1951. Il a effectué son apprentissage auprès de son père, Henri, car ce dernier était le seul tonnelier romand à avoir la maîtrise fédérale. Il se forme aussi comme caviste et œnologue, il reprend l’entreprise en 1983, œuvrant à sa transition vers la production viticole. Les premières années du musée, il n’était pas rare qu’il vienne y chercher quelques outils pour finir ses tonneaux. Morceau de la mémoire vulliéraine, le musée est aujourd’hui un plus dans l’offre du domaine, qui accueille des groupes pour des visites, avec projection d’un film montrant la fabrication d’un tonneau de 4000 litres et dégustation à la clé.

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