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Le climat change, le brouillard aussi

Les constats de l’Office fédéral de météorologie et de climatologie MétéoSuisse montrent une diminution du nombre de jours de brouillard sur le Plateau, mais une augmentation de la fréquence des périodes bloquées sous une chape de grisaille. Avec quelques hypothèses à la clé.

Dans la région de Payerne (ici Montbrelloz dans la brume), une nette baisse du nombre de jours nuageux a été constatée ces 40 dernières années.Photo isabelle kottelat

Isabelle  Kottelat

Isabelle Kottelat

10 février 2022 à 01:00

Temps de lecture : 1 min

«Tout devient merveilleux dans la brume.» Avec son slogan d’entrée de ville, Estavayer tire parti, du point de vue du marketing, du mythe d’une Broye terre de brouillard. Mais est-ce bien toujours le cas?

Cet hiver, on a subi une situation de haute pression qui a perduré du 10 janvier à la fin du premier mois de l’année 2022, avec une même période en décembre. Et février n’est pas terminé. Cela a toute son influence sur la durée de la chape de grisaille qui a tenu la région sous cloche ces derniers mois (lire l’encadré).

«Ce que l’on observe grossièrement ces dernières années, c’est une augmentation de la fréquence de ces périodes bloquées, c’est-à-dire un temps de plusieurs jours successifs sous influence de hautes pressions qui piègent l’humidité près du sol et favorisent la persistance du brouillard», explique Aude Untersee, de l’Office fédéral de météorologie et de climatologie MétéoSuisse. «Cela limite le mélange en basse couche pour un brouillard plus tenace.»

Mais en parallèle, MétéoSuisse observe une diminution du nombre de jours de brouillard au fil des années vers l’aéroport de Kloten où l’office fédéral a une station, plus généralement sur la partie nord du Plateau suisse. «Depuis les années 2000, l’évolution de l’ensoleillement mesuré sur les saisons automne-hiver en certaines stations du Plateau sur le dernier siècle et jusqu’en 2020, à Genève, Berne et Zurich, traduit une tendance à la baisse de la couverture nuageuse basse typique de cette saison», souligne la spécialiste.

Le soleil s’est aussi montré plus présent ces trois dernières décennies comparé aux trois décennies précédentes. En clair: une baisse de la fréquence du brouillard/stratus sur la partie nord du Plateau. A Payerne et Neuchâtel aussi, une nette baisse du nombre de jours nuageux est constatée entre les années 1980 et 2020, passant, pour le chef-lieu broyard d’un peu plus de 110 jours (entre octobre et mars) à moins de 100. En outre, le brouillard aurait de plus en plus tendance à s’élever donc à prendre le nom de stratus (lire ci-contre).

Pour expliquer ces mécanismes, MétéoSuisse a quelques hypothèses qui ne sont toutefois pas vérifiées à ce jour. L’une d’elles est l’augmentation de l’étendue des surfaces urbanisées, diminuant les surfaces de zones humides qui font office de source d’humidité. «On observe une baisse globale de l’humidité relative journalière moyenne à Payerne sur les 60 dernières années», précise Aude Untersee. La diminution des quantités de particules fines dans la basse atmosphère en lien avec l’amélioration globale de la qualité de l’air a peut-être aussi son influence dans la mesure où les particules fines ont tendance à faciliter la formation et la persistance du brouillard.

Quant à un impact du changement climatique sur ces phénomènes, une hypothèse table sur l’augmentation des températures moyennes en surface en Suisse (entre 0 et –1,8 degré en 1864 contre 0,9 à 2,1 en 2020). Elle entraîne un assèchement de l’air, autrement dit une baisse de l’humidité relative moyenne, ce qui limite la condensation de l’air près du sol et donc l’apparition du brouillard.

Mais on ne peut pas non plus tout expliquer, et on le voit bien d’un bout de la Broye à l’autre: le brouillard dépend de multiples facteurs et de phénomènes très locaux comme l’apport d’humidité d’un lac ou d’un cours d’eau, différent parfois même d’une bordure à l’autre. «C’est un phénomène d’autant plus difficile à prévoir», conclut Aude Untersee.

Brouillard et stratus: mode d’emploi

■ Brouillard ou stratus? «Il s’agit du même phénomène en météorologie, à savoir la formation d’une couche nuageuse», explique Aude Untersee de l’Office fédéral de météorologie et de climatologie MétéoSuisse. On parle de brouillard si elle se situe à la surface du sol avec une visibilité inférieure à 1 kilomètre. C’est du stratus si elle est soulevée du sol. A partir d’une limite supérieure des stratus à plus de 2000 mètres environ, on parlera de nébulosité de basse altitude ou de nuages bas.

■ Les ingrédients nécessaires. Selon MétéoSuisse, plusieurs ingrédients sont nécessaires à la formation du brouillard ou du stratus: peu de soleil, c’est-à-dire dès la moitié du mois d’octobre (où on peut s’attendre à du brouillard près d’une journée sur trois ou quatre) et jusqu’à la mi-février, des vents faibles dans les couches les plus proches du sol (sauf en cas de bise), ce qui arrive dans les situations de haute pression, ainsi qu’un air froid et humide qui doit pouvoir stagner dans un bassin ou baignoire. Et le Plateau suisse est idéal pour ce cas, entouré des Alpes d’un côté et du Jura de l’autre. En hiver et surtout en présence de bise, de l’air froid du nord-est est poussé dans la baignoire du Plateau sous l’air plus chaud et plus léger, où il reste. Cela provoque une inversion thermique, c’est-à-dire qu’il fait plus chaud quand on monte en altitude alors que c’est habituellement le contraire. A l’intérieur de cet air froid, l’humidité est maximale (100%) avec la formation de gouttelettes d’eau par condensation de l’air. Enfin, cette formation de couche basse est relativement stable, seul un bon brassage d’air peut la rompre. Un bon ensoleillement avec des courants thermiques ou des vents comme ceux qui accompagnent une perturbation peuvent y arriver.

■ De l’air plus pollué. Les conditions propices au brouillard sont également favorables à l’accumulation de polluants près du sol. Parce que dans cet air froid stagnant, la ventilation est moindre. «Les polluants et les particules fines peuvent donc s’y accumuler et atteindre des concentrations dangereuses pour la santé.» 
IK

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