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Le monde paysan est divisé. Deux exemples

Pour Lucien Rossat et Roland Rossat c’est deux fois non aux initiatives visant à interdire l’utilisation de tous produits phytosanitaires. Entre colère et inquiétude, ils expliquent de leur point de vue quelles conséquences aurait un double oui sur leur exploitation.

Les cousins Lucien et Roland Rossat, qui produisent notamment du lait pour la fromagerie Le Maréchal, prennent la parole en souhaitant répondre aux inquiétudes des consommateurs. PHOTO LUDMILA GLISOVIC

Ludmila Glisovic

Ludmila Glisovic

22 avril 2021 à 02:00

Lucien et Roland Rossat sont associés et gèrent ensemble une exploitation agricole estampillée PER (prestation écologiques requises) et IP-Suisse. Avec, en ligne de mire, les votations sur l’interdiction totale d’utilisation de produits phytosanitaires, les deux cousins prennent la parole pour faire connaître leur travail auprès des consommateurs et les enjeux de ces votations.

Leur exploitation est mixte et diversifiée: bovin, volaille et grandes cultures. Leur activité principale est la production de lait. Dans le cadre du suivi des travaux agricoles (lire encadré), ils ont choisi de mettre l’accent sur cet aspect de leur exploitation. En 2010, ils ont construit une ferme à Granges-sous-Trey qui accueille aujourd’hui une soixantaine de vaches laitières.

«60% de nos terres sont destinées à l’herbage. Actuellement, notre exploitation produit 90% du fourrage nécessaire. Pour les 10% restants, nous achetons foin ou regain, selon nos besoins, à des agriculteurs de la région. L’initiative eau propre veut que l’on produise la totalité de nos fourrages sur l’exploitation. Cela relève de l’utopie.»

Une alimentation équilibrée
«Nous travaillons avec la météo. La nature peut être généreuse, mais aussi malveillante voire destructrice – fortes précipitations, sécheresse, etc. Pour avoir un lait de qualité et du bétail en bonne santé, l’alimentation doit être équilibrée. Pour cela, un apport en protéines est nécessaire, explique Roland. Avec le label IPSuisse, nous ne fourrageons plus de protéines à base de soja. Nous l’avons remplacé par du tourteau de colza pression suisse. Mais, si l’initiative Pour une suisse libre de pesticides est adoptée, la production indigène de colza diminuera. Cette culture est difficilement cultivable sans produit phytosanitaire et nous serons obligés d’en importer», s’inquiète Lucien.

Fournisseurs de la fromagerie Le Maréchal à Granges-Marnand, les deux cousins rappellent que du lin entre dans l’alimentation de leurs vaches. Riche en oméga3, il limite la production de méthane de quelque 17 250 kg annuellement. «Nous ne recevons aucune aide de l’Etat pour ça», notent-ils. Les cousins soulignent que les déjections de leurs animaux sont utilisées pour créer du biogaz.

Des vivaces envahissantes
«Pour éliminer des champs les chardons et les rumex, des plantes vivaces très envahissantes, nous utilisons des produits phytosanitaires. Mais nous intervenons de manière ciblée, plant par plant. Lutter manuellement nécessiterait de la maind’œuvre supplémentaire», relèvent-ils encore. Une charge additionnelle qui mettrait en péril leur production.

Des foyers à bactéries
Une autre préoccupation, relevée par Lucien et Roland Rossat, concerne le nettoyage des installations de traite. «Des produits alcalins et acides sont utilisés. Si les initiatives passent, ils seront interdits alors que la production de lait nécessite une hygiène irréprochable. Un dépôt qui est appelé pierre à lait – du tartre produit par le calcium – se dépose dans les conduites. Ce calcaire est un support pour les bactéries. Nettoyer avec de la vapeur à haute température n’est pas suffisant», avertissent-ils.

Un besoin de confiance
«La population n’a plus confiance dans les agriculteurs. Mais nous répondons déjà à des normes très strictes au niveau de la protection et du bien-être des animaux qui ne cessent d’évoluer. Elle ne sait pas non plus ce que nous apportons. La Suisse bénéficie d’un autoapprovisionnement alimentaire qui s’élève à quelque 60%. La conséquence de ces initiatives, si elles sont acceptées, est que nous produirons moins. Il faudra donc importer plus et sans connaître les méthodes de productions.»

«Nous comprenons les inquiétudes des consommateurs. Mais les choses évoluent en permanence. Ces interdictions seraient trop brutales», soulignent les deux agriculteurs, qui espèrent être entendus.

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