Logo

Actualité

Les Gaulois étaient là avant!

Dans le cadre du projet de recherche Origines, mené par les Site et musée romains d’Avenches, des récentes fouilles dans le bois de Châtel ont permis de confirmer la présence de Celtes dans la région d’Avenches. Un fossé défensif y a été notamment découvert.


Jean-Michel  Zuccoli

Jean-Michel Zuccoli

19 janvier 2023 à 01:00

Dans quelques jours, on ne verra plus rien. De la terre recouvrira ce fossé situé dans le bois de Châtel qui domine Avenches. Il y a encore quelques semaines, une équipe menée par Hugo Amoroso, archéologue des Site et musée romains d’Avenches (SMRA), fouillait le sol à la recherche d’objets témoignant de la présence des Gaulois. «Nous avions découvert en 2020 le squelette d’un cheval. Il fallait élargir les fouilles pour mieux comprendre le secteur», explique-t-il. Ces fouilles plus approfondies ont donc été effectuées à la fin 2022. Avec des résultats intéressants.

Les fouilles menées depuis 2014 au sud et à l’ouest de la colline du bourg d’Avenches ont livré des vestiges datant du 1er et du IIe siècle av. J.-C., permettant de conclure à l’existence d’une agglomération gauloise, celle-ci précédant donc la ville romaine. «Ces découvertes étaient quelque chose de tout nouveau. Jusqu’à ce jour, on pensait qu’Avenches était une création ex nihilo (emplacement vierge de toute construction) de l’époque romaine pour le peuple helvète lors de son intégration dans l’Empire romain», relève Denis Genequand, directeur du SMRA. «Quand on fouille des vestiges romains, il y a des murs et des sols maçonnés. A l’époque gauloise ce sont des négatifs de construction qui se présentent sous forme de tranchées et de fosses plus difficiles à mettre en évidence», ajoute-t-il. C’est suite à ces découvertes qu’est né le projet de recherche Origines: les origines gauloises d’Aventicum, capitale des Helvètes, dont le but est d’étudier ces vestiges.

Dans le cadre de ce travail, le bois de Châtel a livré une partie de ses secrets. «Il était déjà connu par des prospections ainsi que par des études du site menées notamment par feu Gilbert Kaenel. Le directeur du Musée cantonal d’archéologie et d’histoire de Lausanne supposait qu’il y avait un oppidum (fortification de type celtique) comme celui découvert au Mont-Vully», relève Denis Genequand. Ces sondages sont un encouragement à continuer les investigations.

Carte numérique comme aide

Que s’est-il donc passé dans ce bois? Dans un premier temps, l’équipe du SMRA a travaillé sur des modèles numériques, des cartes qui permettent de voir les anomalies de terrain. «Grâce à ce travail préliminaire, nous avons pu trouver le meilleur endroit pour effectuer les fouilles», note Hugo Amoroso. Pas si évident quand on sait que ce bois couvre une surface de 32 ha et que le terrain présente une forte érosion. Par la suite, les zones supposées riches en vestiges ont été délimitées et plusieurs sondages ont été creusés.

Première découverte en 2020: une grande dépression où se trouvait justement ce squelette de cheval sur lequel de la terre a été jetée et plusieurs feux allumés. «Les études ont démontré qu’il a été sacrifié, ce qui nous renvoie à des pratiques rituelles», relève Denis Genequand.

Plutôt qu’un site à vocation culturelle, les nouvelles fouilles à l’orée de l’hiver 2022 ont finalement permis de constater que le bois de Châtel abritait un fossé défensif gaulois. «Nous avons pu observer en bordure du grand fossé des restes de poteaux frontaux d’un probable rempart. Les armatures en bois soutenaient un parement de pierres et un remblai de terre aujourd’hui disparu. Ce sont les preuves qu’un site fortifié datant d’environ 80 av. J.-C. était bel et bien présent sur le bois de Châtel», explique Hugo Amoroso.

Pendant les fouilles, quelques difficultés ont néanmoins été rencontrées. «Les carrières de l’époque romaine ont arasé en grande partie les potentiels vestiges de l’époque gauloise. On a en effet pu le constater lors de sondages, des fronts de tailles – des zones où la roche a été exploitée – ont été mis en évidence. Les Romains y ont prélevé de grands blocs de grès coquillier et de molasse. Ces activités de carrière ont donc passablement détruit les vestiges archéologiques antérieurs», notent les deux experts.

Autre découverte: trois fours à chaux du Bas-Empire. «Ils ont servi à brûler des blocs de calcaire pour fabriquer de la chaux. Dans le four, on a trouvé des fragments de blocs sculptés: fûts de colonnes, morceaux de frises et éléments de pilastre qui montrent qu’un ou plusieurs bâtiments romains, se trouvant à proximité, ont été démantelés», détaille le directeur.

Des réponses et des questions

Pourquoi les Celtes ont-ils construit ce site? S’agissait-il juste d’un refuge pour une population qui vivait dans la plaine ou était-ce un établissement fortifié occupé en permanence? «On a quelques réponses et d’autres questions ouvertes», admet Denis Genequand. «Mais on sait qu’il y a eu des mouvements de populations sur le territoire gaulois au Ier siècle av. J.-C. Dans la région d’Avenches, des mobiliers en céramique ainsi que des éléments métalliques ont été trouvés, probablement amenés de Bavière et du monde celtique oriental», explique-t-il en précisant que ces suppositions sont à prendre avec des pincettes. «Avec l’archéologie, on empile les hypothèses.»

Grâce aux trouvailles sur ce site, de nouveaux espoirs de découvertes sont nés. Pourra-t-on trouver d’autres vestiges en lien avec l’oppidum? Y a-t-il eu un sanctuaire ou un petit temple antique sur la colline? «Ce sera l’un de nos prochains challenges. Mais peut-être que les carrières ont détruit les vestiges ou qu’ils sont passés dans les fours à chaux», relève Denis Genequand. Le directeur continue sa quête à la recherche de subventions lui permettant d’effectuer de nouvelles fouilles en 2023.

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus