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L’histoire à l’épreuve du temps

Entretenir et restaurer les vestiges historiques d’Aventicum, qui subissent les outrages de la vieillesse et de la nature, 
représente un défi technique de tous les instants. L’urgence plane sur les ruines et l’argent manque.

Noé Terrapon, conservateur-restaurateur et responsable technique des monuments, en arrière-plan, et Thomas Hufschmid, archéologue responsable des monuments, au chevet des ruines.Photos lug

■ ludmila glisovic

■ ludmila glisovic

18 juillet 2019 à 02:00

Paradis des lézards, les ruines d’Avenches ont surtout l’ambition d’être celui des touristes amateurs d’histoire. Mais voilà, le temps accomplit son œuvre et, année après année, les vénérables vestiges romains subissent les assauts de la nature et de la vieillesse.

Le gel et les plantes, notamment, grignotent les murs des sites. «Les reptiles ne posent pas de problèmes. Il y a même une coronelle lisse qui habite l’enceinte. Un serpent non venimeux, précise immédiatement Thomas Hufschmid, archéologue responsable des monuments des Site et Musée romains d’Avenches. Les plantes, en revanche, occasionnent beaucoup de dégâts.»

En ce qui concerne la végétation, la commune participe à l’entretien, ainsi que le voyer de Payerne pour les zones les plus pentues, essentiellement avec la tonte autour des vestiges. Pour le reste, ce sont les archéologues et les conservateurs restaurateurs qui s’en occupent. Sur les parties restaurées récemment, les pousses sont enlevées par jets à haute pression, à la main ou à la glace carbonique.

Une longue liste de travaux

«Pour des raisons financières, nous entreprenons des travaux de restauration, chaque année, par petites étapes», explique-t-il encore. «Nous faisons le tour des monuments et nous dressons une liste des interventions nécessaires qui s’avère assez longue. Ensuite, nous les trions en fonction des urgences», rapporte pour sa part Noé Terrapon, conservateur-restaurateur et responsable technique des monuments.

Ainsi, avant de sortir burin, marteau et truelle, les conservateurs utilisent leur sens de l’observation. «Nous cherchons, par exemple, les endroits où apparaissent des déformations dans les parements. Ensuite, pour choisir le type d’intervention, nous investiguons pour en trouver les causes. Cela peut déboucher sur un drainage ou d’autres interventions passives», expose le restaurateur.

Zones à risque

Certaines zones, comme le théâtre antique et l’enceinte, se sont énormément dégradées ces dernières années. «Si on laisse les choses en l’état, elles seront irrémédiablement perdues», avertissent les responsables.

Outre les arènes, dont l’état de dégradation est jugé grave mais qui bénéficient de travaux de restauration, le théâtre pose également des problèmes de sécurité. «Dans un premier temps, on pourrait poser des barrières pour empêcher le public de grimper sur les gradins. Mais on ne tient pas à fermer totalement l’accès au site. Les gens aiment beaucoup s’y rendre, note Thomas Hufschmid. En outre, mettre des clôtures a aussi un coût.»

Les tout petits panneaux de prévention installés sur le site ne suffisent clairement pas. Ainsi, les gradins pourraient être démontés l’an prochain, puis remontés. Mais la question est comment?

Des décisions à chaque étape

«Nous en sommes au stade des discussions. Pour cette zone prioritaire, il faut trouver une solution qui tienne et qui soit lisible. On pourrait réaliser des gradins en herbe, voire les supprimer et créer un talus. En tous les cas, on ne les reconstruira pas tels qu’ils l’ont été à la fin des années 30, parce que cela ne correspond en rien à l’architecture originelle. Et, remettre des blocs en grès, comme ceux utilisés à l’époque romaine, coûterait beaucoup trop cher.»

De toute façon, faire du «faux vieux» n’entre pas dans les considérations des archéologues. «Ce procédé est très polémique», rapporte Thomas Hufschmid. «Restaurer une ruine, en conservant le même aspect est une perversion», ajoute Noé Terrapon.

«Néanmoins, dans le principe, nous maintenons tout ce qui peut l’être. Nous suivons le chemin de nos prédécesseurs et le style des restaurations entreprises au début du XX

Dans un premier temps et dans la mesure du possible, les responsables des sites et monuments d’Aventicum interviennent sur les éléments originaux des constructions. Ensuite, les travaux sont réalisés sur les restaurations plus récentes.

Les défis traversent les époques

Les archéologues d’il y a près d’un siècle étaient confrontés aux mêmes défis qu’aujourd’hui: les finances et la durabilité.

«Les vestiges se dégradaient avec la même rapidité. Ils ont cherché à intervenir à grande échelle, à faire les choses bien pour les préserver, rappelle Noé Terrapon. A l’époque, on utilisait le ciment Portland pour faire les joints. Aujourd’hui, on sait qu’avec le temps, ce matériel devient trop dur. L’eau pénètre alors dans les pierres plus poreuses et les épisodes de gel à répétition les endommagent irrémédiablement.»

«Démontrer la réalité de l’impact des changements climatiques est actuellement un combat et nous devons trouver des solutions spécifiques», conclut Noé Terrapon.

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