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Non calibrés, mais bons à croquer

Quatre étudiants en science agronomique, dont le Broyard Sylvain Noël, ont créé la start-up «Mange-moi comme je suis» afin d’écouler les légumes et les fruits hors normes pour la grande distribution. La région broyarde est particulièrement bien servie.

Parmi les quatre fondateurs de «Mange-moi comme je suis», Sylvain Noël a grandi à Vuissens.Photo Pierre Köstinger

Pierre  Köstinger

Pierre Köstinger

26 novembre 2020 à 01:00

Quel jardinier du dimanche n’a jamais déterré une carotte à deux jambes ou une patate de forme bizarroïde? Sans parler de tailles très irrégulières. Chez les maraîchers, c’est pareil, sauf que ces fruits et légumes «non calibrés» pour la grande distribution finissent en fourrage pour le bétail, en compost ou en biogaz, alors qu’ils sont parfaitement consommables.

«Dans certains cas, comme pour la pomme de terre, 40 ou 50% de la production peut se retrouver déclassée», explique Sylvain Noël. Terminant son bachelor à la Haute Ecole des sciences agronomiques, forestières et alimentaires à Zollikofen (BE), ce Broyard de Vuissens a lancé une start-up dans le cadre d’un cours avec trois collègues étudiants: Janosh Gerber, Maxime d’Autheville et Adrian Frick.

L’idée de cette société créée en nom collectif et baptisée «Mange-moi comme je suis»: écouler des produits boudés par la grande distribution en les mettant à portée des consommateurs. «Au fond, nous ne sommes ni producteurs, ni revendeurs. C’est avant tout un service pour les agriculteurs», précise Sylvain Noël. Pour le consommateur, cela peut représenter une économie qui va de quelques centimes à quasi 50% selon les produits. Et la gamme est large selon les saisons: «On a proposé jusqu’à 33 sortes de produits cet été, relève Sylvain Noël, dont des pêches et abricots de Suisse et même des pastèques de Sugiez!»

Depuis le lancement de leur start-up en novembre 2019, les quatre étudiants ont écoulé dix-huit tonnes de ces fruits et légumes non calibrés. Ils ont commencé à travailler avec deux maraîchers agriculteurs, contre une dizaine de producteurs aujourd’hui, dont les Vulliérains Daniel Guilland et Alexandre Javet (lire ci-contre). Après triage, les légumes se retrouvent concentrés sur trois sites chez des producteurs.

Pas de concurrence déloyale

La petite structure se charge ensuite de livrer sur les différents points de vente. Dans la Broye, on les trouve à Payerne (au magasin Landi Centre Broye) et à Avenches (Landi Broye-Vully SA). Ils fournissent aussi en Sarine à la Ferme du Ferrage (Rueyres-St-Laurent) et Harmony & Co (Ecuvillens). Et pour ceux qui en font la demande, ils livrent à domicile pour les villages de Vuissens, Nuvilly, Combremont-le-Grand et Combremont-le-Petit, Aumont et Murist.

Sylvain Noël insiste sur le fait que ces produits de dame Nature sont bien écoulés comme denrées de deuxième classe, «même si elles ont les qualités nutritives d’un légume Premium». Il s’agit par là d’éviter toute concurrence déloyale, explique ce fils d’agriculteur soucieux de soutenir la branche agricole. «Nous nous sommes posé la question en lançant le projet: qu’est-ce que cela va apporter aux maraîchers?»

Concernant le prix pour ces derniers, cela marche à la confiance. «L’idée est que cela leur permette de rentrer dans leurs frais», souligne Sylvain Noël, qui précise que même l’évacuation des légumes déclassés, par exemple pour du biogaz, engendre des coûts pour le producteur.

Aujourd’hui, les quatre futurs ingénieurs se répartissent les tâches pour faire tourner leur affaire qui rapporte l’équivalent d’un salaire mensuel de 3500 francs. Pour Sylvain Noël, c’est une journée par semaine à ravitailler les points de vente. «On s’est demandé si l’on voulait poursuivre ou non. Nous arrivons en fin de formation et avons chacun des perspectives professionnelles», explique-t-il. Passionné de génétique, il a décroché un emploi dans une entreprise de classification de bovins laitiers.

Les quatre jeunes patrons de «Mange-moi comme je suis» ont pris la décision de continuer l’aventure. «On prévoit de s’agrandir, toujours en suivant scrupuleusement notre ligne de ne pas prétériter les producteurs.» Un site internet est en construction et, pour livrer, ils songent à engager du personnel, notamment des étudiants.

D’autres structures de redistribution de légumes déclassés existent en Suisse. «Notre contribution reste modeste, mais il y a la demande pour qu’elle se développe», précise Sylvain Noël, qui trouve que c’est un bon moyen de sensibiliser sur le gaspillage alimentaire. «Il y a des agriculteurs qui perdent de l’argent à jeter des produits consommables.»

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