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«Sans herbicide, c’est dix fois plus de temps»

L’arrêt du glyphosate pour l’entretien des espaces verts demande aux communes de se réorganiser. Tour d’horizon.

Au cimetière d’Avenches, les employés des Services extérieurs (ici Laurent Jaquemet) testent différentes machines de désherbage avec une eau vaporisée à 120 ou 130 degrés.Photo Pierre Köstinger

■ Pierre Köstinger

■ Pierre Köstinger

18 juillet 2019 à 02:00

«En recourant aux herbicides, une journée suffisait pour désherber les trois cimetières communaux.» Responsable des Services extérieurs d’Avenches, Alain Kapp revient sur les différents tests effectués ces jours dans le cimetière d’Avenches pour trouver la meilleure alternative possible au glyphosate, un herbicide vendu sous la marque Roundup, pour l’entretien des espaces verts. Car c’est surtout pour les cimetières que les habitants sont en général les plus exigeants.

Pour l’heure, il s’agit de trouver la machine de désherbage à vapeur la plus adaptée. Le principe demeure toujours le même. L’eau, stockée dans un réservoir, est chauffée à une température de 120 ou 130 degrés, avant d’être vaporisée sur les végétaux. La machine la plus optimale testée par le service avenchois, pour l’instant, consomme 90 litres par jour pour 1 litre de diesel à l’heure. Sa batterie permet de parcourir 20 kilomètres par jour.

Un travail de Sisyphe

«Cette vaporisation a pour effet de tuer les cellules chargées de la photosynthèse», explique Alain Kapp. La plante finit donc par sécher et mourir. Mais c’est un véritable travail de Sisyphe, car de nouvelles pousses pointent bien vite entre les graviers. «Le dernier passage avec la vapeur remonte à une semaine et demie», note le responsable en regardant les touffes herbeuses entre les rangées de tombes.

Pour rappel, c’est suite à la diffusion d’un reportage de la RTS, en mai dernier, qu’Avenches avait décidé de bannir le glyphosate sur les terrains communaux. Car dans le reportage, la commune admettait recourir parfois à cet herbicide, contrevenant ainsi à une directive de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Cette dernière interdit grosso modo l’usage des pesticides de synthèse sur les bords de routes, toitures, chemins et terrasses. Toutes les surfaces où l’eau ruisselle vers les nappes phréatiques et les rivières sont aussi interdites aux pesticides et herbicides.

La révélation avait fait bondir la Direction générale de l’environnement (DGE) du canton de Vaud, qui avait écrit aux autorités communales, condamnant l’usage illégal du glyphosate. Mais la pratique d’Avenches était pourtant loin d’être isolée. Une enquête récente de l’OFEV a montré que 53% des communes ne respectaient pas les directives, quand bien même elles seraient 92% à les connaître.

Les Services extérieurs avenchois, qui comptent cinq employés et deux apprentis, sont donc entrés définitivement dans l’ère post-glyphosate. «Il nous faudra définir une stratégie», souligne Alain Kapp, car le désherbage sans herbicide prend plus de temps, et nécessite plus de bras. «La semaine dernière, le désherbage à la main d’une grande partie du cimetière a employé cinq personnes pendant trois jours. Deux temporaires ont été engagés pendant deux jours.»

A Payerne, cela fait bien cinq ans que le secteur Parcs et promenades a banni le glyphosate. «On travaille à la main et à la débroussailleuse. Et depuis cette année, nous avons acquis une machine de désherbage à la vapeur», explique le chef de secteur Fabien Rossel. Il partage le constat de son confrère avenchois. «Travailler sans herbicide est une bonne chose, mais il y a un prix à payer. Cela prend dix fois plus de temps. Là où l’on passait le glyphosate une fois par année, il faut repasser cinq fois dans l’année.»

Pour la santé du personnel

Pour renforcer son équipe de cinq collaborateurs et un apprenti, Fabien Rossel engage des étudiants pendant l’été. Parmi les autres mesures, il a aussi opté pour laisser des zones pousser en prairie, là où la tondeuse passait chaque semaine. Il voit aussi un avantage à se passer du glyphosate pour la santé du personnel. «Il y a vingt ans, j’en utilisais régulièrement et avais parfois mal à la tête à la fin de la journée. La sensibilisation n’était alors pas aussi développée qu’aujourd’hui», se souvient-il.

Pour la commune d’Estavayer, le Service de l’édilité travaille avec une désherbeuse à vapeur, mais aussi au gaz (qui «brûle» la plante). Et surtout à la main. «Notre service n’utilise plus le glyphosate depuis plusieurs années», indique le conseiller communal Dominique Aebischer, en charge du Domaine public.

L’élu précise que sur les dix cimetières communaux, l’entretien de trois d’entre eux se fait sur mandat externe. «Dans ces cas-là, les prestataires pourraient être tentés d’utiliser du glyphosate, mais nous nous montrons très attentifs et très exigeants sur ce point», dit-il.

Comme à Payerne, où un désherbant sélectif pour gazon autorisé est toujours utilisé en bordure de terrains de football, Estavayer continue de recourir aux insecticides pour ses rosiers. «Nous n’avons toujours pas trouvé la solution idéale», admet Dominique Aebischer.

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