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Sur les traces de vieux Russicains

Le cimetière du VIIe siècle de Russy est une découverte importante pour l’archéologie fribourgeoise. Après Fétigny en 1882, c’est le deuxième site funéraire isolé de ce type mis au jour dans la Broye.

Le site de Russy est le deuxième cimetière isolé découvert dans le canton après Fétigny.

Philippe  Causse

Philippe Causse

4 juin 2020 à 02:00

Un parfum d’aventure souffle sur les hauts de Russy et, pour une fois, la bise n’y est pour rien. Deux parcelles de terrain, dédiées à la construction de deux habitations, font l’objet de toutes les attentions depuis le 15 mars dernier. Le visiteur doit les parcourir avec prudence pour se frayer un chemin entre les vestiges et, par la même occasion, à travers le temps. Par 27 degrés en plein soleil, Lamine M’Boup et Aurélien Picard, accroupis, grattent avec beaucoup de précautions autour de squelettes semblant être posés sur le sol. Ils retirent délicatement la terre, rien ne vient perturber leur concentration. Fort de ses 25 années d’expérience, Lamine confirme: «Il faut faire très attention, les ossements sont très fragiles.» Aude-Line Pradervand et Fiona McCullough, assistantes scientifiques au secteur médiéval du SAEF, sont là pour analyser et apprendre de cette découverte.

Un site d’une importance surprenante

«Ce n’est pas une révélation en fait, confirme Aude-Line dans un grand sourire, l’endroit est répertorié depuis la mise au jour de restes humains lors de la construction de la route dans les années 1960. On s’attendait donc à trouver quelque chose, peut-être pas d’une telle importance.»

Alors, comme pour chaque projet de bâti sur un site potentiel, ces professionnelles des vieilles pierres sont venues faire des sondages qui ont révélé la présence d’un cimetière très ancien. Sa taille et son âge étaient par contre moins prévisibles, ainsi que le mur qui le traverse, un mystère et une belle surprise pour ces deux jeunes passionnées. «Nous avons répertorié 72 tombes qui remontent au VIIe siècle, déclare Fiona, spécialiste en archéologie funéraire, avant de poursuivre, en fonction de la position des corps ou des objets retrouvés, nous sommes capables de faire une datation assez précise des ossements.»

L’archéologie dans le respect des vies humaines

Au-delà des restes humains, une plaque-boucle de ceinture typique de l’époque, une bague, une boucle de chaussure en bronze accompagnée d’un fragment de lanière sans doute en cuir ont été découvertes. «Nous faisons le maximum d’observations en un minimum de temps afin que le délai des travaux soit raisonnable pour tous», rajoute Fiona. Analyses, photographies, dessins vont venir compléter les quelques prélèvements faits ici et là, qui serviront à qualifier les recherches en cours. Puis, le reste du site, hors des emprises des futures constructions, demeurera en l’état, sous terre, ce qui semble rassurer Aude-Line. «Tout vestige qui reste souterrain est préservé, c’est le meilleur moyen de protéger le patrimoine.»

Russy devient un périmètre archéologique important qui sera dorénavant observé de près. Cette découverte permettra de confirmer certaines hypothèses, notamment sur le nombre d’habitants, la spécificité de leur habitat ou leur mode de vie, une reconstitution aidée par l’observation des dentitions, des fractures éventuelles sur leurs membres. Des pratiques scientifiques, mais réalisées dans une approche très humaine. «Nous faisons un travail minutieux, qui prend en considération ces vies éteintes et qui reposent ici. Cela nous ramène à notre propre condition et nous œuvrons avec beaucoup de respect», commente Aude-Line qui du haut de ses 30 ans conduit les fouilles de main de maître. La suite de l’étude se fera en laboratoire où les prélèvements effectués sur place seront analysés précisément, datés au carbone 14 et enfin restaurés. Le site retournera, lui, à sa quiétude millénaire, abrité par le Grand Belmont et en surplomb de la plaine de la Broye, un environnement immuable.

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