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Un berger et ses moutons dans la ville

David Henguely traverse la région avec ses 600 moutons qu’il fait paître jusqu’au 15 mars

Halte au pied du château d’eau, tête nue par cet après-midi ensoleillée pour David Henguely qui ne se sépare jamais ni de son chapeau ni de sa houlette, ce bâton recourbé qui sert à attraper les bêtes pour leur donner des soins. PHOTOS IK

Isabelle Kottelat

Isabelle Kottelat

9 février 2023 à 01:00

Ils ont traversé le rond-point d’entrée de ville, puis emprunté la route de contournement d’Estavayer-le-Lac en direction de Font. Tous derrière et lui devant. Ils ont brouté au milieu des grues et des immeubles en construction du quartier de la Prillaz. Des centaines de moutons, leur berger et 3 ânes sillonnent la région ces jours, frôlant joyeusement les bords de ville.

«Néron, gauche!» Le chien ne se le fait pas dire deux fois et part ventre à terre contenir le troupeau le rabattant à partir de la gauche. Avec son camarade à quatre pattes Kep, il est indispensable au berger David Henguely pour conduire ses 600 moutons. Tout comme les quatre guides, les meneurs, ces moutons équipés de clochettes, les seuls du troupeau qui ont plus d’un an de vie et qui reviennent d’une année à l’autre. Avec aussi les trois ânes Turka, Pinocchio et Ghost qui transportent le matériel, notamment de quoi faire un campement de fortune chaque soir.

Un réseau à entretenir

C’est la 13e transhumance que vit le Gruérien. A Noël, il a rejoint son collègue Pascal Eguisier avec qui il se partage le poste et qui était parti le 15 novembre d’Yverdon. Dans la Broye, David Henguely est, tout comme son acolyte avant lui, bien connu et attendu chaque année. «Tu appelleras et tu viendras prendre une douche quand tu seras en haut!» lui lance Jean-Marc Grognuz, de Vesin, venu lui passer le bonjour un après-midi à Estavayer-le-Lac, avec son petit-fils Raphaël. Tandis qu’un autre visiteur avait partagé une fondue avec lui en plein champ, au soleil de cet après-midi de début février.

«Quand ça fait plusieurs années qu’on passe, on se crée un réseau. On connaît les paysans, les propriétaires de parcelles avec de l’herbe à pâturer. Ce sont aussi des personnes-ressources pour nous donner un coup de main. Certains nous apportent une soupe chaude à midi, d’autres un thermos de café ou du bois pour le feu. Tout ça s’entretient d’année en année», apprécie le berger.

Bien de l’herbe à pâturer

Pour engraisser les moutons – qui n’appartiennent pas au berger mais à un propriétaire privé qui les destine à la boucherie – avec l’herbe disponible ici et là, la transhumance a fait voyager le troupeau de la banlieue d’Yverdon jusqu’au Mont-Vully à travers la Broye. Et retour maintenant dans l’autre sens. Cette année, la neige l’a empêché d’aller sur les zones hautes. «On est obligé de s’adapter. La plaine de la Broye joue le rôle de zone tampon dans ces cas-là», souligne David Henguely.

Si aucun hiver ne ressemble à un autre, celui-ci est très mouillé et un peu froid, reconnaît le berger. «Mais l’automne a été très chaud et l’herbe a bien poussé. On se retrouve avec des parcelles qui ont beaucoup d’herbe et des paysans contents qu’on la leur pâture», précise-t-il.

C’est la raison pour laquelle il sillonne le même bout de plaine depuis plusieurs jours. Habituellement, David Henguely trouve un coin de forêt ou une barrière végétale naturelle pour établir son campement le soir et y passer la nuit. «La forêt contient les moutons. Mais en plaine, il n’y a rien.» Du coup, le berger et ses moutons trouvent parfois refuge autour d’une ferme. Exceptionnellement cette année, David Henguely s’est même fait amener quatre filets et une batterie pour créer un enclos provisoire un soir de la semaine dernière à Estavayer-le-Lac.

Et le loup?

La présence du loup dans la région change-t-elle quelque chose à son activité? «Pas jusqu’à présent…» souffle-t-il. Rassembleurs de troupeaux, ses deux chiens ne sont pas des chiens de garde. «Mais la nuit, de toute façon, on est toujours sur le qui-vive. Ce sont des journées de 24 heures.»

Berger, une vie de liberté fantasmée? «Ça fait toujours rêver les gens. Mais ces dix derniers jours quand il y avait la bise, peu de monde s’est pressé pour prendre ma place, rigole-t-il. Mais c’est ma vie, ce que je suis, mon identité.» Trois mois qui lui servent aussi de soupape par rapport au reste de l’année. Marié et papa de deux garçons en bas âge, le Gruérien habite l’Autriche depuis cinq ans, le pays de sa femme. «La transhumance, c’est le seul lien que j’ai gardé avec la Suisse romande.»ik

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