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Un pied dans la réalité professionnelle

Les élèves de 10e année voie générale de l’école secondaire de Payerne ont eu droit à une semaine d’immersion dans leur vie d’après, celle du monde professionnel. Certains ont pu faire un stage, tandis que tous ont pu profiter de l’expérience d’anciens élèves.

Une classe à l’écoute d’Alice Pacifico au terme de cette semaine d’approche du monde professionnel au sein de l’établissement secondaire de Payerne et environs.Photo rémy gilliand

Rémy  Gilliand

Rémy Gilliand

14 mai 2021 à 02:00

«L’école n’est qu’un petit bout de votre vie. Le chemin n’est droit pour personne, mais croyez en vous et on se revoit dans dix ans», a lancé l’enseignante Anne Sumi aux élèves, au terme d’une semaine d’approche du monde professionnel (AMP). La semaine dernière, pour la première fois, les écoliers de 10e voie générale de l’établissement secondaire de Payerne on eut droit à une semaine d’immersion professionnelle. Cette formule, créée spécialement à Payerne, est un ballon d’essai. Certains élèves ont pu faire un stage de deux jours en entreprise. «Sur 72 élèves, 16 seulement n’ont pas pu faire de stage», se réjouit Rossella Picciola, enseignante responsable de cette semaine.

Parcours de vie bien différents

De retour en classe, les écoliers ont aussi pu prendre part à de «stressants» entretiens fictifs, avec de vrais employeurs qui ont joué le jeu. Cerise sur le gâteau, vendredi, ce sont quatre anciens écoliers qui sont venus présenter leur itinéraire aux jeunes chanceux. Des parcours de vie résolument différents pour Alice Pacifico, enseignante, Emilie Mayor, maîtresse socioprofessionnelle, Yoann Provenzano, humoriste et Claudia* directrice de sa petite entreprise.

Par petits groupes, les écoliers écoutent Alice leur décrire une fin de scolarité plutôt «compliquée» selon ses dires, faite d’échecs. «Si je voulais réussir, je devais travailler», a expliqué la jeune femme, non sans lancer une fleur aux enseignants qui ont eu un gros impact sur sa fin de scolarité. Et c’est bien souvent après l’école qu’on s’en souvient. «Les échecs sont durs à vivre, mais utiles pour la vie, car ils m’ont permis de découvrir autre chose, ils m’ont construite pour la suite.»

«Je vous souhaite de réussir, même si votre seul but c’est d’être heureux», lance Alice Pacifico à un auditoire plutôt stoïque. «J’ai rarement parlé devant une assistance aussi silencieuse», ironise-t-elle, tandis que les trois garçons du fond de la classe ont les yeux rivés sur leurs baskets. Les filles sont un peu plus participatives. Des jeunes qui, visiblement, ne sont pas encore conscients de ce qui les attend dans une année et des poussières.

«Tout est expérience»

«J’aurais aimé pouvoir bénéficier d’une semaine comme ça à votre âge», lance Claudia*. C’est sans doute le parcours le plus atypique de l’après-midi. Durant son adolescence, elle sera moquée sur son physique, harcelée par ses «camarades». Elle fera exprès de mal travailler pour ne pas être mise en avant par ses profs. A 14 ans ses parents l’obligent à travailler pendant l’école et l’empêchent de suivre une formation. Elle travaille durement dans le milieu du service et c’est son compagnon qui l’encouragera à entamer un CFC à 20 ans seulement. Désormais la presque trentenaire est heureuse dans son job de directrice associée avec son compagnon. «Tout est expérience. Si je devais réécrire cette période, peut-être que je ne changerais rien. Je ne suis pas riche, mais je suis heureuse», ponctue Claudia, digne devant un parterre toujours aussi silencieux, mais sans doute pas insensible.

Gagner sa vie en faisant des blagues

Dans la classe d’à côté, l’humoriste Yoann Provenzano explique aussi son parcours. Lui non plus n’a rien lâché et a terminé ses études au gymnase, puis à l’université avant de gagner sa vie en faisant des blagues. «Bon, au début je voulais être prof et joueur de foot professionnel, même si mon rêve était quand même de faire de l’humour. Mon papa n’était pas chaud et j’ai terminé mes études; c’est toujours un bagage supplémentaire. Désormais mon père est fier de moi et collectionne les coupures de presse où mon nom apparaît», explique Yoann Provenzano. Natif de Villeneuve/VD, il se levait à 4 h 30 pour être à l’antenne de Rouge FM à Lausanne aux petites heures. Deux-trois witz et retour sur les bancs de l’uni. Là, les langues se délient et son exposé se termine par une série de selfies et autres photos faites par l’enseignante Marjolaine Jaccoud.

Autre itinéraire de vie, celui d’Emilie Mayor. Par une volonté incroyable et l’aide de ses parents, à l’époque l’adolescente a trouvé une place d’apprentissage de pâtissière-confiseuse, loin de chez elle. Elle fera d’innombrables concours avec de jolis succès à la clé et même une place dans un palace à Paris qu’elle refusera. Elle partira six mois comme cuisinière bénévole sur un bateau-hôpital. «Je suis rentrée sans travail et sans un sou. Je suis allée voir une orienteuse professionnelle qui m’a permis d’associer mon amour pour la pâtisserie et les gens.» Elle distille désormais son savoir dans une institution spécialisée. «Dans la vie on ne fait pas que ce qu’on aime. On a le droit de changer de travail, ce n’est pas un choix pour la vie et il y a plein de manières de le faire», a-t-elle expliqué aux jeunes.

«J’espère leur avoir donné un peu d’espoir», dit Emilie tandis que les écoliers quittent la classe.

«On espère que cette semaine a pu inciter les jeunes à réfléchir à leur avenir, les mettre en projet et savoir où aller à la fin de l’école», explique Rossella Picciola. «Durant cette semaine, ils ont eu un pied dans la réalité d’après», ajoute sa collègue Anne Sumi.

«Une chose qu’on ne fait pas, c’est le travail des parents», prévient Christine Pacifico. Comme pour dire que l’école ne peut pas tout faire. Mais sans doute que plus tard, ces élèves silencieux se souviendront de cette semaine où on leur racontait leur vie d’après.

(*Nom connu de la rédaction)

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