Voyage au cœur d’une période trouble

«Il faut prendre ce qui est décrit dans ce livre comme un avertissement de l’histoire et en tirer les enseignements pour les générations futures, afin que de telles situations ne puissent se renouveler», dit d’emblée Jean-Michel Pittet, tandis que son roman Les années troubles est en passe de rejoindre les librairies.

Un ouvrage qu’il dédie aux victimes de la Seconde Guerre mondiale, au général Guisan, dont il est un admirateur, aux passeurs de la forêt du Risoux, aux femmes et hommes d’exception qui ont mis en péril leur vie afin de résister, mais aussi aux malgré-nous, ces soldats français alsaciens, notamment, enrôlés de force dans l’armée allemande. Ce roman historique, à paraître prochainement aux Editions Cabédita, décrit le parcours d’un jeune homme pris dans la tourmente des passions qui ont ébranlé l’Europe, avant et pendant le conflit mondial.

«J’ai inventé tous les personnages pour la trame de l’histoire, hormis les personnalités célèbres, connues de tous», prévient le Payernois. Jeune retraité, cet ancien policier est un féru d’histoire. «Depuis mon enfance, j’ai baigné dans les récits sur la Résistance et l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, en parlant avec des spectateurs et acteurs de cette époque, pas si lointaine», explique-t-il.

Sa passion pour l’histoire n’est pas la seule à transpirer dans ce récit palpitant. Il aligne les souvenirs familiaux, mais surtout ceux de la franc-maçonnerie. Et il avoue sans ambages en faire partie depuis près de 20 ans.

Au début du roman, il évoque l’existence passée d’une loge à Marnand. «C’est vrai, j’ai retrouvé des éléments citant son existence dans un livre dédié à l’histoire d’une loge lausannoise», commente Jean-Michel Pittet qui, comme un redoutable enquêteur a précieusement documenté son histoire pour la rendre tout ce qu’il y a de plus crédible. La subtilité de l’auteur, pour son premier roman, est justement d’avoir su jouer entre réalité et romance. Et il brandit une autre pièce à conviction, la lettre d’un Rottenführer (chef d’équipe de la Waffen-SS) qui demande ses certificats d’origine. Et le fil rouge est ainsi trouvé avec son «héros» Heinrich Krag.

«Il ne faut pas oublier que 800 à 1200 Suisses sont partis en Allemagne pendant la guerre, rejoindre les forces de l’Axe. A cette époque, l’Allemagne arrosait des sociétés sportives et culturelles suisses avec son argent. Hitler considérait notre pays comme une verrue démocratique au milieu de l’Europe», rappelle-t-il.

Et en Suisse, pendant ce temps-là, la résistance s’organise notamment du côté des francs-maçons. Un milieu qu’il nous fait découvrir à force de détails, tandis qu’un groupuscule, qu’il a baptisé Tenebrae, partisan du IIIe Reich, tente de saper la démocratie du pays de Tell.

Jean-Michel Pittet nous offre une passionnante histoire d’espionnage en terre broyarde, de Moudon à Avenches, en passant par Payerne. Son agent de l’ennemi franchira même le pas-de-porte du Globe à Payerne, pour y déguster une eau de Zoug… Dans ce déroulé d’événements souvent graves, l’auteur glisse quelques pointes d’humour bienvenu. Ainsi, lors d’une visite à la pinte communale La Vente, le barbouze surprend une discussion très animée entre Cafards et Grillets (libéraux et radicaux, ndlr).

Sa taupe veut en savoir plus sur un projet de centre de recherche atomique du côté de… Lucens. Les ouvriers et scientifiques qui collaborent à cette construction classée secret-défense sont logés un peu partout dans la Broye.

Il a le sourire Jean-Michel, car en écrivant ce livre, fruit de souvenirs et d’anecdotes bien réels, il a pris du plaisir. Malicieux comme pas deux, il a réussi à mélanger la réalité de l’époque et le futur. Il ne se gêne pas non plus en amalgamant le bombardement de Praratoud par les Alliés qui auraient peut-être visé le futur complexe nucléaire lucensois… conçu vingt ans plus tard. Ces faits font du bien à notre mémoire et nous forcent aussi à replonger dans les souvenirs de l’histoire broyarde.

L’auteur a voyagé en Europe sur différents sites et a opéré un travail de reconnaissance et d’exploration sur des cartes géographiques de l’époque pour rendre son roman encore plus crédible.

«Au fil des ans, j’ai pris conscience que les personnes à qui j’ai parlé disparaissent, d’où l’importance de coucher sur papier leurs témoignages, avoue l’auteur. J’ai voulu raconter pour que ces histoires ne sombrent pas dans l’oubli.» Une première mission plutôt bien réussie.

Les années troubles, roman de 180 pages, aux Editions Cabédita. Jean-Michel Pittet dédicacera son livre à la Librairie Page 2016, le jeudi 2 mars de 16 h 30 à 18 h.