L’Egratigneur

Je plante le décor. Une soirée entre amis, avec leurs enfants respectifs, pas plus hauts que trois pommes mais assez grands pour comprendre les discussions des adultes. Autour d’un repas généreux, l’ambiance est bonne. Un p’tit vin du cru contribue activement à rendre ce moment convivial. Chacun raconte un peu sa vie. Oh rien de bien particulier, juste des anecdotes ou petits riens qui remplissent leurs journées. «Mes joueurs ont manqué les play-off en perdant le match décisif. Pourtant ils se sont investis toute la saison», se désole l’un des convives. «Mon skieur préféré a raté la médaille de bronze pour quelques centièmes aux championnats du monde», raconte une invitée. «Moi j’ai raté le bus pour aller à l’école. Et la prof m’a foutu un 3 alors que j’ai bien révisé mes leçons», s’invite l’ado aux discussions. Le sport, la politique, la famille, tous les sujets y passent les uns après les autres. Sans oublier le travail. «La direction va nous coller un nouveau chef. Je suis sûr qu’il voudra changer plein de choses. Je vois arriver les problèmes gros comme une maison», évoque le quinquagénaire qui visiblement n’aime plus les changements. «J’ai entendu dire qu’ils vont délocaliser notre centrale en Suisse alémanique. Exclu que je me tape 150 bornes tous les jours. Et pas question d’apprendre le schwyzerdütsch», raconte son épouse. «Moi je vais devoir tout réapprendre, un nouveau système informatique va être installé. Je ne vais pas m’en sortir», explique un autre invité. Arrive du bout de la table, tout soudainement sans que personne s’y attende, le commentaire de la benjamine de la soirée qui a écouté attentivement les propos des adultes. «Ben vous voyez, moi j’appris à m’inquiéter des choses que je pouvais vraiment changer.»