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Egratigneur

L’Egratigneur


Par rémy gilliand

Par rémy gilliand

23 janvier 2020 à 01:00

Tous les matins, je croise des écoliers, le regard en bas, rivés sur leur natel, oreilles branchées. Souvent je dois m’écarter pour ne pas qu’ils me télescopent. Ils ne voient rien de la vie qui les entoure en ces heures matinales, ils sont dans leur monde virtuel. Et qu’est-ce qu’ils loupent sur le chemin de l’école… Par exemple, ils n’ont pas la chance de voir les éboueurs œuvrer, courir d’un côté de l’autre de la rue, et cet autre employé communal qui, avec sa S2 (balayeuse) – à Payerne, une S3 aurait été judicieuse! – ripoline les trottoirs. En face, un chien qui sème un cadeau, à l’insu de son maître. Plus loin, c’est un ouvrier en salopette qui, clopin-clopant, va à son turbin, non sans un bon crachat du matin, au milieu du trottoir… Les yeux rivés sur leur mini-écran, ils n’ont pas l’occasion de dire bonjour à la kiosquière sur le pas de la porte qui tire sur sa sèche, bon elle guigne aussi son téléphone, mais elle nous fait quand même un petit coucou. Ils passent à côté de tellement de choses, comme le quincaillier qui sort, plein d’espoir, ses pelles à neige. Et ces cabossés de la vie, tels des zombies, qui attendent l’ouverture de la pharmacie pour obtenir leur dose salvatrice? Ils ratent aussi les ardoises des bouchers, avec parfois des coquilles qui font sourire. Sous leurs semelles, ils ne sentent pas non plus ce trottoir d’un autre temps, fait de carrés de chocolat, unique au monde…

Bien que l’essentiel soit invisible pour les yeux, ces jeunes passent au travers de tant de petits instants de bonheur. Mais j’hésite quand même à me munir d’un bip-bip, comme les camions qui reculent; moi ce serait pour aller de l’avant et surtout pour éviter de m’encadrer un jeune chaque matin, avec le secret espoir qu’ils ouvrent leurs quinquets.

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