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Egratigneur

L’Egratigneur


Par Jean-Daniel Fattebert

Par Jean-Daniel Fattebert

9 avril 2020 à 02:00

Authentique et savoureuse tranche de vie villageoise, un matin de ce printemps, où les gens se croisent à bonne distance.

— T’avais prévu de partir quelques jours, à Pâques?

— Non, mais en mai, je devais faire un pèlerinage à Lourdes, pour mon foie déglingué. Je n’y crois pas trop, mais on ne sait jamais…

— Tu dis «je devais». Ça ne se fera pas?

— Non, vu la pandémie, le comité interdiocésain a décidé de reporter le voyage en septembre.

Le coronavirus se révélerait-il propice à muscler les convictions chancelantes? Assignés à résidence l’un et l’autre sur leur bord de route, leur bouche-à-oreille par-dessus la chaussée, copieusement tombé dans le domaine public, n’apporte aucune certitude à ce propos.

— Alors tu connaîtras l’espoir de la guérison en septembre?

— Non, le voyage d’automne est prévu sans les malades, uniquement pour les accompagnants.

— S’ils sont seuls, ils seront les accompagnants de qui? Ta Bernadette, tu ne penses pas que ça serait justement le bon moment de l’implorer pour un brin de miracle?

— C’est plus compliqué que ça. Tu ne peux pas comprendre, t’as pas la foi.

— Au féminin d’accord, mais au masculin, je suis mieux fourni que toi.

— Barbare, mécréant!

Par la fenêtre ouverte de la maison voisine, on perçoit comme une inquiétude pointer:

— Ils sont fâchés, maman, les deux vieux au bord de la route?

— Non, ils parlent juste de religion. Il y en a un qui a mal à son foie et l’autre qui en manque.

— Si on les transplante, il faut espérer qu’on ne les mette pas dans la même chambre.

— Ne t’inquiète pas. Si ça devait se passer prochainement, sûr qu’on leur posera un masque.

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