L’Egratigneur

Tous des ingrats, je vous dis! On les a éloignés de lacs et fleuves sauvages, bourrés de dangers à tous les carrefours, pour les mettre bien à l’abri dans le plus grand aquarium d’eau douce d’Europe. Et voilà qu’ils osent se plaindre. Pas eux directement, mais ceux qui, sur les hauts de Lausanne, dorent la cage de leur captivité d’une main, tout en parlant à l’oreille du dragon de Komodo, de l’autre.

Ils ont observé qu’en l’absence de visiteurs, les poissons, reptiles et amphibiens d’Aquatis s’ennuient. Les gamins qui tapent à la paroi de leur aquarium, pas méchamment, mais juste pour les voir bouger un peu, ça leur manque, paraît-il. Et nous alors, qu’est-ce qu’on doit dire, depuis le temps que les gamins ne tapent plus à la porte, même pas pour la tombola du foot ou pour nous vendre le calendrier d’assistance à la mère du soldat inconnu?

Pourtant, sur ce coup-là, comme il s’agit de l’espèce animale, sujet sensible s’il en est, le Conseil fédéral ne pourra filer à l’anguille, face à ses responsabilités. Je sais, on dit filer à l’anglaise, mais comme il y a des anguilles anglaises, elles ont bien le droit de filer, elles aussi. D’ailleurs, ça n’est pas le propos.

Estaminets fermés, commerces de seconde nécessité fermés, matches à guichets fermés, chambres d’hôpital fermées aux visiteurs, passe encore. Mais les carpes, muettes, alors qu’elles auraient pu dire du mal sur la gestion de la pandémie, c’est totalement injuste de persister à les priver de visites.

Je vous l’accorde, l’appel du pied des patrons d’Aquatis est quelque peu appuyé, mais il doit être entendu. Car sur le site, en l’absence de public, si l’eau reste douce, la facture devient salée.