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Egratigneur

L’Egratigneur


Par Jean-Daniel Fattebert

Par Jean-Daniel Fattebert

23 septembre 2021 à 02:00

Jusque-là, j’imaginais que la conscience d’être vieux, c’est quand on se surprend à hurler de plus en plus souvent sur la pub à la télé. Celle qui nous montre un rentier vautré sur une bouée géante en forme de coquille vide. Ou celle du distrait traversant un camp de nudistes qui lui expliquent en allemand que pour avoir le droit de boire sa bière, il lui faut d’abord tomber la chemise, le pantalon, le caleçon, alouette…

Ou alors, quand WhatsApp vous demande d’enregistrer une mise à jour et qu’au moment de le faire, un message vous dit que vous n’avez pas le réseau et qu’il faut réessayer plus tard. Le réseau qui marche dans le sens de vous importuner, mais pas l’inverse, c’est juste pour vous rappeler des ans l’irréparable outrage, non?

Ou encore quand vous partez faire les emplettes en oubliant la liste établie justement pour ne rien oublier. Quand vous ne vous souvenez plus du nom du président de la Confédération et du prénom des jolies femmes.

Non, le sentiment d’être vieux, il ne nous vient pas de ces choses-là. J’en ai fait l’expérience un samedi matin, à la déchetterie.

Tout giron d’avoir gravi et descendu les escaliers donnant accès aux diverses bennes sans me casser la gueule, j’ai vite perdu mon sourire de ravi de la crèche.

«Cette bouteille d’huile, Jean-Daniel, elle ne va pas dans le PET, mais dans la benne du plastique.»

Dit ainsi, ça paraît anecdotique, mais prononcée les yeux dans les yeux, avec compassion, en articulant bien pour que je comprenne tout, la remarque m’a fait comprendre combien j’étais moi aussi un vieux, mais vraiment vieux débris, pas à sa place. Je me suis vite échappé, pour ne pas finir dans la bonne benne.

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