L’Egratigneur

— Vous êtes au courant, y paraît que le patron de la Brasserie Notre-Dame s’en va reprendre un restaurant du côté d’Avenches?

Un larron attablé abonde:

— Oui, j’ai aussi entendu ça!

— C’est pas possible! rétorque un membre du quintette d’assoiffés.

— Il n’y a jamais de fumée sans feu! lance le quérulent de service. Déjà qu’il nous a débaptisé notre pinte communale La Vente pour l’affubler de Notre-Dame, il ne manquerait plus qu’il file à l’anglaise.

Les jours passent et la rumeur persiste. Du coup, on prend notre courage à deux mains, on change de crémerie pour poser la question au principal intéressé afin de savoir si ce colportage a du vrai! Des fois qu’il ne soit pas au courant de ces potins.

— J’ai même reçu des téléphones de bons clients qui avaient appris cette nouvelle, répond Vitor Coelho, tandis que nous l’interrogeons sur ce départ précipité alors qu’il s’est installé à Payerne il y a à peine une année.

A Payerne, les nouvelles vont vite. A force, on se persuade qu’il y a du vrai dans tout ce qui se dit. Dans le restaurant étoilé, on questionne tout de go:

— Alors Vitor, vous partez quand pour Aventicum?

— Mais je n’ai jamais eu l’intention de partir! Je suis très bien à Payerne et très fier de ce que l’on fait. D’ailleurs ma clientèle me le rend bien. Non, je n’ai jamais eu ce souhait, insiste avec le sourire le patron de Notre-Dame qui tord ainsi le cou à cette rumeur.

Dans deux siècles, les prochains tenanciers de Notre-Dame pourraient tout aussi bien rebaptiser le restaurant Au qu’en-dira-t-on! les Payernois apprécieront sûrement.