L’Egratigneur

Souvenez-vous! La semaine dernière, on l’avait laissé en périlleuse tentative de rentrer chez lui, alors qu’elle, partie en mission de shopping, avait bien fermé à clé toutes les portes du domicile conjugal, avant de s’en aller. Elle le croyait en son bureau, à l’intérieur, alors qu’il bravait la canicule, au jardin.

Ainsi va le hasardeux croisement des destinées. Pendant que de son côté, elle cherchait LA blouse à fleurs susceptible de lui soustraire une vingtaine d’années au compteur, lui, farfouillant dans la caisse à outils, tentait de repérer LE pied de biche propre à faire sauter la serrure la moins ruineuse de la maison.

Heureuse de son achat, elle avait ensuite partagé les potins du mois avec sa copine, devant une glace pistache, sa préférée. Ô temps, suspends ton vol!

Quand il put enfin rentrer chez lui par effraction, pour voir le Tour de France à la télé, l’étape du jour, dans les Pyrénées, était close. Circulez, y a plus rien à voir! Le temps perdu ne se rattrape pas.

Joyeux, le retour à domicile, pour elle: «Tu vas être content, chéri, j’ai trouvé une blouse vraiment top, à moins de 50 francs.»

C’était la bonne nouvelle du jour. 50 francs, c’est quoi? Rien, comparé au coût de réparation de la porte, y compris changement de la serrure et frais de peinture…

Plus tard, bien plus tard dans la soirée, alors que les températures extérieures et intérieures étaient redescendues à un joli niveau, elle a risqué, dans un demi-sourire, une observation non dénuée d’évidence: «Tu ne nieras pas que toi, en moins d’une heure, sans quitter la maison, tu as réussi à creuser un plus gros trou dans le budget du ménage que moi, en deux heures dans les boutiques!»