L’Egratigneur

Depuis peu, mon chat fait sa tête des mauvais jours. Il est passé de greffier mignon à greffier bougon d’un coup. Ça lui est venu quand il a appris que les lecteurs de 24 heures ont désigné le chien Sasso comme leur animal préféré de l’année.

Je lui ai expliqué que Sasso, chien de troupeau, défend vaillamment ses moutons contre la fringale du loup, pour que ceux-ci nous arrivent entiers et bien portants dans l’assiette, au printemps. Mais Monsieur n’en a rien à cirer. Je lis dans son regard hautain qu’il fallait alors désigner le mouton comme animal préféré de l’année 2022. Traqué par le loup, dévoré par l’homme, c’est un héros de ne pas virer animal sauvage, le mouton, qu’il me dit dans son regard accusateur, le chat.

Je sens bien qu’il m’en veut, de ne pas l’avoir inscrit sur la liste des nominés. Ses yeux bien plantés dans les miens, il n’est pas utile qu’il ouvre la bouche, j’ai tout compris: «Grigris, chat de gouttière, fidèle en amitié tant que les croquettes sont abondantes, c’est pourtant pas compliqué à défendre, comme cause, non?»

J’ai bien argumenté qu’il n’avait aucune chance, face aux autres locataires du podium que sont deux panthères embastillées au zoo de Servion et l’insaisissable loup alpha du Marchairuz. Il boude grave. Je le soupçonne même d’être devenu athée, il ne croit plus en moi.

Pour me la faire bien mauvaise, la conscience, il se traîne lamentablement de sa gamelle au canapé, irrémédiablement amorphe, comme éteint.

J’ignore si ça va marcher, mais au stade où il en est, je lui ai promis que si en décembre prochain, 24 heures lance un sondage auprès de ses lecteurs pour désigner leur légume préféré 2023, je l’inscris.