Tous emportés par la gravelmania

Les défis sportifs inventés par Yves Corminbœuf ne s’expliquent pas, ils se vivent. Samedi dernier à Estavayer, les participants du Gravelodux ont exploré la Broye fribourgeoise depuis une selle. Leur mission: relier 8 points de contrôle par le chemin le plus court, tout en découvrant des produits du terroir.

Il règne une ambiance particulière ce matin dans l’aire de départ, à l’Amarante, où les amateurs se demandent à quelle sauce ils vont être mangés avant de prendre connaissance de la carte. Appréhension que ne connaissent pas les membres du Gang, une équipe formée autour du champion olympique Pascal Richard. A ses côtés, Claude Byrde, Serge Figueira et Stéphane Carrupt attendent leur café avant de se lancer, en vain. Pas besoin de caféine pour cette bande de joyeux lurons survitaminés. «Des fous furieux qui se prennent rarement au sérieux», avertit en rigolant Cédric Schaller, un guide de luxe, qui connaît la région comme sa poche. Il suffit de le suivre.

Quoique… A peine décollée, la troupe, étoffée par le couple genevois Damien et Andrea Bisetti, sort déjà des sentiers battus en coupant via un talus pour rejoindre la route de Font, où les attend une petite dégustation de cuchaule et de moutarde de bénichon. La première d’une série d’acrobaties effectuées sur la selle ou en poussant le vélo. «Un concept génial et original, avec des partages et ces fous rires en traversant une rivière pour gagner 7 mètres. Le vrai esprit gravel, celui de l’aventure!» savoure Cédric, pour qui tous les moyens sont bons pour gagner quelques mètres. En espérant, bien sûr, que les autres ne soient pas aussi malins ou audacieux. «On pourrait faire encore plus court, mais il faut ménager le plaisir de chacun.»

A la tour de la Molière, certains affinent encore leur stratégie. Les autres font face à un dilemme: attaquer la descente escarpée et glissante sur ou à côté de la machine. Après une séance de varappe, le groupe rejoint Aumont pour s’enfiler une pataclette, avant de filer en direction de Villeneuve, le point le plus éloigné, pour emprunter la passerelle traversant la Broye avant de revenir à Granges-Marnand. Pas le temps de traîner, il s’agit de rentrer dans les délais. Un croissant au jambon et ça repart. Les explorateurs quittent alors les berges pour rejoindre le refuge des Rochettes, à Cugy, où une soupe revigorante les réconforte, après un passage en coup de vent à la Perrale à Fétigny pour timbrer. Reste à rejoindre le dernier checkpoint, situé à la plage de Forel. Avant de rallier Estavayer, Cédric leur a réservé une ultime surprise: les fameux escaliers en bois au lieu-dit Saut-de-la-Pucelle, sous La Corbière. Mais ces roublards ont passé le cap de jouer les vierges effarouchées.

A l’arrivée, Pascal Richard était conquis. «Une balade fun effectuée sans la pression du temps ou de la performance, où tu t’arrêtes, tu repars, tu t’amuses. Et ce petit côté aventure. Comme quoi il est aussi possible de jouer à vélo», souligne l’ancien pro, qui connaissait un peu la région pour avoir disputé l’Elsa Bike Trophy. «J’ai reconnu 2-3 endroits, mais on est vite perdus quand on se retrouve en rase campagne.» Une bonne mise en bouche pour le Fribourgeois, en lice le lendemain à Aigle pour participer à l’Omnium romand de cyclo-cross. Après avoir arrêté complètement le vélo, voilà 10 ans qu’il roule à nouveau, pour le plaisir et avec les potes. «C’est important d’honorer une telle organisation, surtout pour une 1re édition.»

Avec 121 participants, le pari est relevé pour les organisateurs Marc Mauron, Blaise Corminbœuf et Yves Corminbœuf. Ce dernier n’a pas pu retenir ses larmes lors de la remise des prix. Avec un peu plus de 50 km au compteur, le Gang termine à quelques hectomètres des lauréats, Max Chappuis et Rémy Violland (49,3 km), qui ont soulevé le trophée en bois orné d’une rose des vents. Egalement récompensée, l’équipe ayant effectué le plus de détours, celle d’un certain Jean-Paul Corminbœuf, papa d’Yves et doyen du défi. Excluant, s’il le fallait, toute rumeur de copinage au sein de l’organisation, dont le vœu est d’établir l’événement en Suisse.

«A quand une édition en Thurgovie ou au fin fond du Tessin?» lance joyeusement Claude Byrde, habitué des défis sportifs comme le TorTour. «Ce Gravelodux est une super idée, une autre approche du cyclisme qui incite à la débrouille, avec un temps et un parcours magnifique. Je ne l’aurais pas fait tout seul, en équipe c’est extra!»